Bouclier antimissile de l'Otan en Europe : Moscou se sent menacé

Le bouclier antimissile de l'Otan en Europe irrite Moscou

Le déploiement du bouclier antimissile de l'Otan en Roumanie et le lancement de la construction d'un autre en Pologne, tout près des frontières russes, ont remis sur le tapis la question de la course à l'armement stratégique, puisque Moscou y voit "une menace" et se réserve même le droit de prendre des mesures de rétorsion.  

Dès l'annonce de l'inauguration du site de l'Otan en Roumanie, Moscou n'a pas tardé à réagir. Des conclaves au plus haut niveau, se sont aussitôt tenus pour examiner la situation et définir, éventuellement, une riposte à ce que Vladimir Poutine, qui a présidé ces réunions, considère comme "une violation du Traité sur les forces nucléaires à portée intermédiaires" en vigueur depuis 1988.

"Maintenant que ces éléments antimissiles ont été déployés, nous allons devoir réfléchir à la manière de faire face aux menaces qui sont apparues pour la sécurité de la Russie", a déclaré Poutine lors d'une première réunion avec des responsables du complexe militaro-industriel russe. 

Pour le président russe, la démarche de l'Otan constitue "un pas supplémentaire vers la déstabilisation du système de sécurité international et vers une nouvelle course aux armements".

Dans le camp de l'Otan, on estime en revanche que le système de défense anti-missile balistique ne vise pas la Russie. Le secrétaire adjoint à la Défense des Etats-Unis, Robert Work, a en effet déclaré que ce système avait pour but de "protéger les pays alliés contre les menaces provenant de l'extérieur de l'Europe". 

Une affirmation à laquelle Moscou ne semble pas accorder beaucoup de crédit. Le Président Poutine l'a en effet clairement signifié, en déclarant que son pays fera "tout ce qui est nécessaire pour assurer et conserver l'équilibre stratégique des forces, qui est la garantie la plus sûre contre l'apparition de conflits d'ampleur."

Après une première réunion avec des responsables militaires, Poutine s'est ensuite entretenu avec les membres permanents du Conseil de sécurité de Russie, composé du Premier ministre Dmitri Medvedev, des ministres de l'Intérieur, Vladimir Kolokoltsev, de la Défense Sergei Shoigu et des Affaires étrangères Sergei Lavrov, outre les présidents des deux chambres du parlement des hauts responsables de la sécurité.                                               

Selon le porte-parole du Kremlin, Dmitry Peskov, le président russe a évoqué, durant cette réunion, diverss points en relation avec les mesures à prendre en vue d'assurer l'équilibre stratégique et la sécurité de la Russie à la lumière de la création des sites antimissiles.

Un sénateur russe, Viktor Ozerov, président du Comité sur la défense et la sécurité de la Chambre haute du parlement, a estimé, de son côté, que des "mesures extrêmes", y compris la possibilité de quitter le Traité sur la réduction des armements stratégiques offensifs (START) sont envisageables si la Russie considère que le déploiement d'éléments du système de défense antimissile "est irréversible et qu’il présente une menace réelle pour notre sécurité".

"Bien sûr, ce serait une mesure extrême, et j’espère que ça n'ira pas jusque-là. En ratifiant le dernier traité START, le parlement russe a émis une réserve, prévoyant que la Russie pourrait quitter le Traité en cas du déploiement d'éléments de bouclier antimissile américain en Europe de l’Est", a déclaré Viktor Ozerov.

Signé en avril 2010 par les présidents russe et américain, Dmitri Medvedev et Barack Obama, le traité START prévoit un maximum de 1.550 ogives nucléaires déployées pour chacun des deux pays, soit une réduction de 30% par rapport au niveau établi par le Traité de désarmement nucléaire conclu le 24 mai 2002 à Moscou.

Malgré les craintes, Moscou dédramatise 

Même si les récentes actions de l'Otan irritent au plus haut point les dirigeants russes, le président Poutine a néanmoins fait savoir que son pays se lancerait pas dans une "nouvelle course aux armements".

"Nous ne nous laisserons pas entraîner dans cette course. Nous suivrons notre propre chemin et travaillerons très soigneusement, sans dépasser les plans de financement actuels du réarmement de l'armée et de la flotte", a-t-il dit. "Mais nous corrigerons ces plans de manière à faire face aux menaces pour la sécurité de la Russie", a prévenu M. Poutine.          

Pour le général russe Sergueï Karakaïev, commandant des Forces de missiles stratégiques (SMF), le bouclier antimissile américain en Europe "ne représente actuellement aucune menace critique pour la Russie, cette dernière mettant constamment à jour ses missiles afin de faire face aux défis à venir". 

Il a précisé que "les menaces du secteur européen du système de commandant des Forces de missiles stratégiques russes défense antimissile [américain] contre les Forces de missiles stratégiques (SMF) sont limitées et ne réduisent pas ses capacités de manière critique".           

Au ministère russe des Affaires étrangères, on annonce que Moscou reste disposée à travailler avec l'OTAN "sur des bases équitables", alors même que l'Alliance atlantique renforce sa présence militaire en Europe de l'Est.

"Nous sommes ouverts au dialogue, mais la seule condition que nous posons est que ce dialogue se fasse sur des bases de respect mutuel, et prenne en compte les intérêts respectifs de chacun", a déclaré Maria Zakharova, la porte-parole du ministère, jeudi dernier au cours de sa conférence de presse hebdomadaire.

"Il est encore trop tôt pour parler d'une véritable coopération entre Moscou et l'OTAN", a-t-elle cependant ajouté.

Elle a rappelé que la dernière tentative de rapprochement entre les deux parties avait eu lieu en avril à Bruxelles, au cours d'une réunion du Conseil OTAN-Russie au niveau des représentants permanents. 

Cette réunion avait eu pour but de discuter des "préoccupations communes essentielles", mais s'était achevée sur de profonds désaccords entre les deux parties. La coopération au sein du Conseil OTAN-Russie, établie en 2012, a été suspendue en avril 2014, en raison de la dégradation des relations causée par la crise ukrainienne.

Lancé en 2010, le projet de bouclier antimissile global de l'Otan, basé principalement sur la technologie américaine, vise le déploiement successif des systèmes antimissiles et des radars puissants en Europe de l’Est et en Turquie.

En Roumanie, les travaux ont commencé en octobre 2013 sur le site de Deveselu, qui fait partie de la deuxième phase de ce projet. Ce projet prévoit, par ailleurs, le déploiement d'un radar en Turquie et de quatre navires, dotés des systèmes antiaériens Aegis, à Rota, en Espagne.

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