« Nous n'avons d'humain que le nom": le désespoir des Rohingyas Birmans victimes d’une « politique de la terreur »

Parqués depuis des années, tels des bêtes, dans des camps entourés de barbelés face au golfe du Bengale, la mer a longtemps été le seul espoir pour des dizaines de milliers de Musulmans Rohingyas de Birmanie tentant de fuir les tueries dont ils sont l’objet de la part d’extrémistes Bouddhistes.

Ces dernières années, des dizaines de milliers parmi eux ont fui une vie de misère pour rejoindre la Thaïlande puis la Malaisie. Mais aujourd'hui les bateaux ne partent plus : les filières ont été désorganisées en 2015 par la Thaïlande, pays qui juge actuellement un immense réseau de passeurs.

« Nous ne savons pas combien d'années nous allons devoir vivre comme ça », raconte Hla Hla Sein, veuve de 40 ans assise à l'intérieur de sa fragile cabane de bambou dans le camp de Da Paing, à la périphérie de Sittwe (ouest). « Nos vies sont pires que celles des animaux. Nous n'avons d'humain que le nom », se lamente-t-elle ;

Tout comme elle, plus de 120.000 Rohingyas vivent dans des camps depuis les massacres dont ils ont commencé à être les victimes, à partir de 2012, lesquels avaient causé des centaines de victimes au sein de leur communauté.

Regroupés à la périphérie de la ville de Sittwe, la capitale de l'Etat Rakhine, les camps de déplacés sont sujets à la poussière toute l'année puis inondés pendant la mousson.

Dans cette région de l'ouest de la Birmanie, les relations sont extrêmement tendues voire explosives entre la minorité Musulmane et la majorité Bouddhiste, ne laissant aucun espoir de retour aux déplacés forcés.

Des milliers de Rohingyas ont pris le chemin de l'exode, souvent vers la Malaisie ou l'Indonésie pour fuir les persécutions dont ils sont l’objet de la part d’extrémiste Bouddhistes ou l’absence d'avenir dans un pays qui ne veut pas les reconnaître. Nombre d'entre eux ont péri en mer pendant la traversée du golfe du Bengale.

En 2013, Hla Hla Sein a tenté avec son fils de fuir en Malaisie. Elle s'était vue offrir un passage gratuit sur un bateau surpeuplé. Mais celui-ci a commencé à sombrer après quelques heures de voyage forçant le capitaine à faire demi-tour. C'est seulement à son retour sur le rivage qu'elle a appris que les trafiquants avaient prévu de les vendre une fois arrivés à destination. 

« J'étais prête à mourir en mer car nous n'avons rien dans ce pays », confie-t-elle. « Nos enfants ne peuvent pas aller à l'école et je ne peux pas travailler. Je pensais que mourir était préférable ». 

Au cours des cinq dernières années, près de 170.000 membres de la communauté des Rohingyas ont été contraints de fuir leur pays, pays, d'après le Haut Commissariat aux réfugiés de l'ONU (HCR) laissant des milliers de familles écartelées entre plusieurs pays avec peu d'espoir d'être réunies.

« Il est impossible d'aller en Malaisie par bateau aujourd'hui », explique le chef de l'un des camps. « Nous ne voulons pas mourir en mer. »

Malgré la construction de rares écoles dans les camps grâce à des ONG internationales, les perspectives d'avenir pour les jeunes Rohingyas sont sombres voire désespérées en Birmanie. Ils y restent apatrides, leur liberté de mouvement est restreinte et le marché du travail leur est fermé, même si leurs familles sont installées ici depuis des générations.

Dans ce pays en proie à un nationalisme Bouddhiste virulent, les violences meurtrières se sont multipliées contre les Rohingyas ces dernières années. Dans le nord de l'Etat, des milliers d'entre eux ont fui leur village après une opération militaire lancée en octobre en représailles à des raids meurtriers de groupes armés contre des postes-frontières.

Quelque 70.000 se sont réfugiés au Bangladesh et 22.000 autres ont été déplacés à l'intérieur du pays pour fuir ce que l'ONU a qualifié de « politique de la terreur ».  

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