Dominique de Villepin à la Radio Algérienne : la guerre contre l’Irak a marqué le début de la déstabilisation du Moyen-Orient, et les relations algéro-françaises gagneraient à être renforcées

En visite à Alger pour y donner une conférence et y présenter son livre, « Réconcilier les silences », l’ancien Premier ministre (2005-2007) sous le président Chirac, et ex-ministre des Affaires étrangères entre 2002 et 2004, Dominique de Villepin, s’est exprimé, mardi, à l’émission L’Invité de la rédaction de la chaine 3 de la Radio Algérienne, commentant divers sujets de l’actualité mondiale, marquée par des crises et conflits majeurs.

De la guerre américaine menée contre l’Irak, à laquelle il s’était énergiquement opposé en 2003, il déclare qu’elle a été « payée cher » par la communauté internationale, puisque, poursuit-il, elle a constitué « un point de départ important » pour la déstabilisation de l’ensemble du Moyen-Orient.

« Mon inquiétude à ce moment-là, dit-il, n’a fait que s’accroire durant des années (…) On l’a vue, rappelle-t-il, avec les interventions française et anglaise en Libye », conduisant « à l’anarchie et à la destruction d’une société ».

Parmi les autres conflits, il cite le cas de l’Afghanistan où, note-t-il, l’intervention internationale dirigée par les Etats-Unis n’a pas conduit « aux résultats espérés », de même qu’au Yémen et en Syrie, où ont été créées des  « situations tragiques », l’intervention militaire nourrissant la guerre.

« L’instabilité est contagieuse, la violence voyage », poursuit-il, rappelant qu’au delà du Moyen-Orient, celle-ci a gagné le Caucase, l’Asie Centrale et jusqu’à une partie du Continent indien.

Citant le cas de l’Afrique, il attire l’attention sur l’effet de la « contamination » terroriste au Mali, par ricochet de la guerre déclenchée par l’intervention occidentale contre la Libye.

De la « décennie noire » des années 90, vécue dans leur chair par les Algériens, l’ancien diplomate constate qu’en France et en Europe, « nous la vivons au quotidien », à travers la menace constante du terrorisme, « dotée de capacités d’adaptations permanentes ».

Mais, s’interroge-t-il aussitôt, il faut revenir, « beaucoup plus en amont », sur les causes profondes « qui nourrissent le terrorisme », dont il considère qu’elles ne sauraient être simplifiées aux seules causes sociales ou identitaires.

Parmi ces dernières, il met en avant comme cause géopolitique « profonde » le développement du terrorisme dans les Etats fragiles, « voire dans les Etats faillis ». Selon lui, ce n’est pas un hasard si le terrorisme s’est beaucoup implanté en Irak, en Syrie en Libye ou au Mali.

Les raison qu’il met en avant sont liées à l’absence de structures d’Etat et de stratégies politiques inclusives « qui ne laissent personne de côté ».

Très fortes et très denses, les relations algéro-françaises gagneraient à être renforcées
Dans la seconde partie de l'émission matinale L'invité de la rédaction, Dominique de Villepin s'est ensuite largement exprimé sur les relations algéro-françaises.

Pour conforter les relations entre son pays et l’Algérie, M. De Villepin juge utile qu'il y ait « davantage » de rencontres, se réjouissant de la visite effectuée par le président français le 6 décembre dernier à Alger, et de l’attention portée à la société et à la  jeunesse algérienne, en particulier, à laquelle, dit-il, « il faut que nous soyons capables d’apporter des réponses ».

« Compte tenu de l’histoire et des liens qui nous lient », et dont il estime qu’ils ont fait d’Alger et de Paris « de grands partenaires », il indique que son pays a une grande responsabilité d’accompagner l’Algérie « sur son chemin », par le biais de ses grandes entreprises, des PME et TPE dont il pense qu’elles peuvent trouver des perspectives et des coopérations à développer.

Mais pour cela, il appelle à sortir des peurs, des malentendus et des incompréhensions réciproques, « qui ont marqué nos deux pays », pour faire le chemin « indispensable, l’un vers l’autre ».

Par rapport à une contribution à un média Français dans laquelle il appelait son pays à assumer son histoire coloniale en Algérie, « même quand elle est douloureuse », l’ancien Premier ministre considère, en outre, important de franchir le pas et de regarder en face cette période « qui nous ouvre les chemins de l’avenir », la mémoire s’affranchissant des peurs et des silences.

Le fait, rappelle-t-il, qu’Emmanuel Macron ait accepté de parler les archives de cette période particulière, d’accepter de restituer les crânes de résistants Algériens « du 19ème siècle », sont autant de gestes, certes symboliques, mais qui montrent cette valeur essentielle au cœur de nos sociétés « qui est le respect, l’estime et la volonté de marcher ensemble (…) notre passé et notre avenir étant lié avec les Algériens ».

 

 

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