A l’ONU, l’Algérie appelle à en finir avec les situations coloniales subsistantes

L’Algérie a appelé mardi à New York à en finir avec "les situations coloniales subsistantes", estimant que la décolonisation ne devait faire l’objet "d’interprétations erronées ou de débat contradictoire".

"Si nous n’engageons pas de manière significative et efficace à mettre fin à toutes les situations coloniales subsistantes, nous allons marcher à reculons contre le cours de l’histoire de l’humanité et oserais-je même dire priver nombreux d’entre nous de devenir égaux, libres et indépendants", a déclaré le représentant permanent de l’Algérie auprès de l’ONU, l’ambassadeur Sabri Boukadoum, devant la quatrième commission chargée de la décolonisation.

S’exprimant sans ménagement, le diplomate algérien a souligné qu’il  revenait à la communauté internationale et à l’ONU et ses instances de s’acquitter de leur mandat et devoir vis-à-vis de la décolonisation.

Dans le cas contraire, "cela voudrait dire qu’au bout du compte, pour une raison ou une autre, nous nous accommodons (d’une situation) contraire à la décolonisation, qui n’est autre que la colonisation", s’est-il indigné.

Sabri Boukaoum a regretté le fait que chaque année des pétitionnaires et des membres de la commission reviennent débattre "le même agenda inchangé" pour la décolonisation.

"Année après année nous revenons avec un espoir renouvelé mais aussi avec un malaise grandissant car nous avons le sentiment qu’au 21ème siècle nous  débattions encore d’une question d’un âge (révolu) appartenant à la phase sombre de l’histoire", a déclaré Boukadoum dans son vibrant plaidoyer en faveur de la décolonisation.

"Il s’agit d’une question qui ne devrait plus faire l’objet de débat contradictoire ou d'interprétations erronées", a-t-il tenu à préciser.

"Il serait ironique", a poursuivi l’ambassadeur, "d’ignorer" le premier article de la Charte des Nations Unies qui a consacré le principe de  l’autodétermination, soulignant qu’aujourd’hui la responsabilité des Etats membres et du secrétariat général à l’égard de la décolonisation est encore plus lourde.

 Les pays décolonisés doivent faire preuve de solidarité  

"Nous devons nous inspirer de Nelson Mandela et de ses semblables. Nous devons nous inspirer de notre propre histoire et en être fiers. Des milliards de personnes sont libres aujourd'hui, en Afrique, au Moyen-Orient, dans les Caraïbes et en Asie, grâce aux processus de  décolonisation", a-t-il plaidé.

Le représentant de l’Algérie a tenu à apporter des précisions sur les faux arguments avancés par certains pays et pétitionnaires pour justifier le  colonialisme, comme celui de dire que les situations coloniales ne sont pas les mêmes.

"Nous avons écouté attentivement ceux qui ont dit ici que toutes les situations coloniales ne sont pas similaires et que des compromis sont à trouver. Je ne conteste pas le fait que toutes les situations coloniales ne sont pas exactement identiques, mais les compromis ne peuvent pas être liés à une accoutumance à la colonisation, mais plutôt aux voies et aux moyens d’y mettre fin".

Dans le même contexte, le représentant de l’Algérie a estimé que les pays décolonisés qui ont souffert des affres du colonialisme se doivent d’être les premiers à apporter leur soutien aux peuples des territoires colonisés.

"Pour l’Algérie, l’autodétermination et la décolonisation font partie de notre ADN, et nous ne cesserons jamais de dire que l’ONU doit être le  paratonnerre, le phare et l’instrument permettant de mettre fin aux vestiges de ce fléau", a-t-il revendiqué.

"C’est dire aussi qu'au sein de l'Onu, la quatrième commission et le Comité des 24 ont une responsabilité spécifique "et que l’exécution de leur  mandat fait aussi l’objet d’un suivi", a souligné le représentant de l’Algérie.

Aujourd’hui, 17 territoires non autonomes sont encore inscrits à l’agenda de la commission de décolonisation de l’ONU, alors que la troisième décennie internationale de l’élimination du colonialisme (2011-2020) tire à sa fin, a fait observer l’ambassadeur.

Le Comité des 24 aura à exposer ce qui aurait pu être réalisé à la fin de cette échéance.

"Permettez-moi de dire clairement que l’Algérie appuie pleinement le mandat du Comité des 24, énoncé dans la résolution 1654 du 27 novembre 1961 de l'Assemblée générale des Nations Unies ", a -t-il dit.

Le Sahara Occidental est une question de décolonisation

 Dans le même contexte, le représentant de l’Algérie a affirmé que le conflit au Sahara occidental "est une question de décolonisation opposant le Front Polisario au royaume du Maroc".

Rappelant les fondements juridiques de ce conflit, Sabri Boukadoum a indiqué que l’avis consultatif rendu par la Cour internationale de justice en 1975 avait "confirmé sans équivoque qu’il revenait au peuple sahraoui de faire usage de son droit à l’autodétermination via un référendum libre et équitable".

L’organisation panafricaine a également décidé de renforcer le mandat de son envoyé spécial pour le Sahara Occidental, l’ancien président Joaquim  Chissano, et de mettre en place une troïka en tant que mécanisme de suivi pour soutenir les efforts de l’UA ainsi que le processus onusien, a-t-il enchainé.

L’ambassadeur a évoqué à ce titre la décision "claire et incontestable" de la Cour de justice de l’Union européenne qui a affirmé que les accords d’association et de libéralisation conclus entre l’UE et le Maroc n’étaient pas applicables au Sahara occidental car les territoires sahraouis ne font pas partie du Maroc.

Sabri Boukadoum a réaffirmé son appui aux efforts menés par l’émissaire Horst Kohler en indiquant que l’Algérie, en tant que pays voisin et pays observateur du processus de paix, a répondu "immédiatement et de façon positive" à l'invitation du président Kohler de participer à la première série de négociations directes entre les deux partis au conflit, le Front Polisario et le Maroc, prévues les 5 et 6 décembre à Genève.

"Nous ne pouvons tourner le dos au principe de l’autodétermination car cela reviendrait à tourner le dos à notre propre histoire ", a déclaré Boukadoum, rappelant " la lutte difficile et coûteuse " du peuple algérien pour accéder à l’indépendance.

Soulignant la volonté de l’Algérie d’investir dans une confiance qui apportera justice, liberté et progrès à tous les pays du Maghreb,  l’ambassadeur a réitéré l’attachement de l’Algérie à l’avenir commun des peuples de la région.  

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