Covid-19: morts et confinement à travers le monde avec un impact sur les conflits au Moyen-Orient

L'impact de l'épidémie du nouveau coronavirus (Covid-19), qui a fait des dizaines de milliers de morts et forcé la moitié de la population mondiale au confinement, est perceptible sur les conflits et guerres en cours au Moyen-Orient, relèvent des experts au moment où l'ONU a relancé son appel à des cessez-le-feu.

Avec les efforts de la planète concentrés sur la lutte contre le Covid-19, les conflits en Syrie, au Yémen et en Irak, où interviennent des puissances étrangères, ne montrent pas de perspective d'issue durable dans l'immédiat.

Le "pire est à venir" pour les nations en conflit, a averti le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, en renouvelant son appel à des cessez-le-feu partout dans le monde pour aider à endiguer la progression de la maladie du Covid-19.

En Syrie, le nouveau coronavirus a commencé à prendre une ampleur internationale au moment où une énième trêve entrait en vigueur dans la province d'Idleb et ses environs du nord-ouest syrien, où les forces gouvernementales appuyées par l'aviation russe continuent de combattre les groupes terroristes opérant dans la région.

Mais les craintes face à l'épidémie semblent contribuer à préserver cette trêve.

Pour les différents acteurs sur le terrain -les forces gouvernementales, les milices kurdes dans le nord-est, les factions armées de l'opposition à Idleb et les différents groupes terroristes dans la région-, une bonne gestion de l'épidémie permettrait aux forces gouvernementales de consolider leur présence.

La pandémie pourrait par ailleurs précipiter le départ des troupes américaines, leur "sécurité sanitaire" étant un "enjeu majeur", estime Fabrice Balanche.

Mais cela contribuerait à un vide sécuritaire qui encouragerait une résurgence du réseau terroriste autoproclamé Etat islamique (EI/Daech), dont le prétendu "califat" en Syrie s'est effondré en mars 2019.

Au Yémen, le gouvernement et le mouvement "Ansarullah" (Houthis) ont d'abord salué l'appel de l'ONU à une trêve, tout comme l'Arabie saoudite, à la tête d'une coalition militaire qui soutient les forces gouvernementales yéménites.

Ces dernières années, les négociations ont régulièrement capoté dans ce pays souffrant de la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU.

Les ONG craignent une catastrophe en cas de propagation du virus, le Yémen disposant d'un système de santé aux abois et souffrant de pénuries d'eau.

S'agissant de l'Irak, le pays reste menacé par une résurgence de l'EI dans certaines régions, tandis que les tensions entre les Etats-Unis et l'Iran ne montrent aucun signe d'apaisement.

Washington a déployé cette semaine des batteries de défense antiaériennes, faisant craindre une nouvelle escalade avec l'Iran.

Le coronavirus va-t-il ralentir les conflits ou les intensifier?

L'ONU prévient que des millions de personnes pourraient mourir une fois le virus atteint les pays pauvres et les pays en guerre.

Un expert, Bertrand Badie, spécialiste des relations internationales, affirme que la pandémie est une aubaine pour les guérilleros alors que les puissants deviennent faibles".

Evoquant "l'impact potentiellement dévastateur du Covid-19 à Idlib et ailleurs en Syrie", le sous-secrétaire général des Nations Unies aux Affaires politiques, Rosemary DiCarlo, a appelé sur Twitter toutes les parties à faire preuve de retenue.

Martin Griffiths, l'Envoyé spécial des Nations Unies pour le Yémen, a lancé un plaidoyer similaire: "A un moment où le monde se mobilise pour lutter contre une pandémie, les parties doivent se concentrer sur la prévention mutuelle pour garantir que la population ne sera même pas confrontée des risques plus graves".

Jusqu'à présent, ces pays n'ont pas été touchés par COVID-19 à l'échelle observée en Chine, en Corée du Sud ou en Europe.

Mais le virus a le potentiel, une fois qu'il atteint les pays pauvres et les conflits, d'avoir un impact dévastateur.

En l'absence d'une assistance concertée de l'étranger, l'ONU craint que des "millions" ne meurent.

La pandémie "pourrait entraîner une aggravation des conflits, avec le risque d'aggraver la situation humanitaire et les mouvements de population", a déclaré un diplomate.

"Le fait de jeter leurs troupes au combat exposera les Etats et les groupes non étatiques violents à la contamination, et donc à des pertes potentiellement catastrophiques de vies humaines", a déclaré pour sa part Robert Malley, président de l'International Crisis Group, basé à Washington.

Il estime que le virus "va très certainement diminuer la capacité et la volonté des Etats et du système international - l'ONU, les organisations régionales, les réfugiés, les forces de maintien de la paix - de se consacrer à la résolution ou à la prévention des conflits".

A l'ONU, qui a du mal à répondre du mieux qu'elle peut, les diplomates insistent pour que leurs efforts pour surveiller les crises et les conflits régionaux se poursuivent, même si l'organisation internationale a fortement réduit son calendrier de réunions.

"Nous avons l'intention de veiller à ce que le Conseil de sécurité joue son rôle vital dans le maintien de la paix et de la sécurité mondiales", a écrit l'ambassadeur par intérim de la Grande-Bretagne auprès de l'ONU, Jonathan Allen, sur Twitter.

"COVID-19 est le principal objectif mondial, mais nous n'avons pas oublié la Syrie, la Libye, le Yémen." Toutefois, Richard Gowan, spécialiste new-yorkais des Affaires onusiennes, a exprimé des doutes.

"Les diplomates du Conseil de sécurité disent qu'il est difficile de faire en sorte que leurs capitales se concentrent sur les questions onusiennes", a-t-il déclaré.

Monde