«L'Algérie devrait appeler à un dialogue avec les pays consommateurs»

L'Algérie devrait saisir la tenue de la réunion informelle de l'Opep, prévue mercredi à Alger, pour appeler à un dialogue constructif avec les pays consommateurs, seul garant d'une stabilité pérenne du marché, a affirmé M. Chems Eddine Chitour dans un entretien accordé à l'APS.

« L'Opep doit sortir de son ronron actuel pour engager un dialogue constructif avec les pays consommateurs représentés par l'AIE (Agence internationale de l'Energie). L'Algérie peut prendre une telle initiative et ça serait une démarche très positive», préconise-t-il.

« Un tel dialogue assurera une stabilité pérenne à la fois pour les producteurs et les consommateurs qui seront sûrs d'avoir un approvisionnement régulier en contrepartie de recettes régulières pour les pays de l'Opep», considère cet expert dans les questions énergétiques.

Réduire ensemble la production de 5% pour un prix à 60 dollars
Pour redresser les cours pétroliers, selon lui, il faudrait réduire la production de 5%, soit de 2 millions de barils/jours, ajoutant que même cette réduction ne pourrait être efficace que si elle implique à la fois les producteurs Opep et non-Opep.

« Les 14 pays de l'Opep, en plus de la Russie et du Mexique, doivent réduire ensemble leur production. La baisse devrait se baser sur la production réelle estimée à 33 millions de barils/jour et chaque pays devrait réduire 5% de sa production. Il faut ensuite discuter avec les pays consommateurs pour qu'il n'y ait pas de perturbations et pour que tout le monde soit d'accord sur un prix moyen de pétrole autour de 60 dollars», juge-t-il.

Un consensus difficile…
Il considère, néanmoins, que des considérations géopolitiques rendent compliqué un tel consensus, et ce, au sein même de l'Opep.

En effet, explique-t-il, un pays comme l'Arabie Saoudite, qui pompe le tiers de la production Opep et en dépit de ses problèmes budgétaires, ne veut pas perdre le leadership au profit de l'Iran qui est de retour sur le marché.

Analysant la situation actuelle du marché mondial de l'énergie, il note d'abord que les découvertes pétrolières sont de plus en plus faibles ainsi que les investissements mondiaux.

En plus, la bulle du pétrole et de gaz de schiste se précise et les gisements et les productions de ces puits sont, à leur tour, dans un déclin accéléré.

En 2015, les découvertes pétrolières représentaient 10% de la quantité moyenne découverte annuellement depuis 1960 : c'est que les grandes entreprises multinationales sont dans le rouge et qu'elles ont réduit considérablement leurs activités, observe-t-il.

Pour cet expert, les Etats-Unis sont aujourd'hui des «arbitres»  importants du marché : quand les stocks américains de pétrole sont importants, les prix sont déprimés et vice-versa, notant qu'entre janvier 2015 et janvier 2016, les Etats-Unis ont ajouté 100 millions de barils de pétrole à leurs stocks et qu'il en est de même pour la Chine.

Rationaliser la consommation énergétique et miser sur le renouvelable
Mais même avec cette conjoncture mondiale qui lui est défavorable, l'Algérie «peut très bien s'en sortir»  sans dépendre totalement du pétrole, en axant ses efforts sur le développement de ses énergies renouvelables et en économisant sa consommation énergétique, avance M. Chitour.

« Il nous faut tenir bon. Nous pouvons nous en sortir sans dépendre totalement du pétrole. Il ne sert à rien de forcer nos puits après les malheureuses expériences précédentes. Notre meilleure banque est notre sous-sol et chaque calorie produite devrait être convertie en une énergie renouvelable», prône-t-il.

Evoquant les carburants, l'expert recommande vivement de stopper l'hémorragie aux frontières qui fait perdre à l'Algérie, selon lui, une moyenne de 2 milliards de dollars par an.

Il souhaite, à ce titre, la tenue urgente des états généraux de l'énergie où les universitaires, société civile, entreprises, ministères seront associés pour aboutir à une transition énergétique vers un développement durable aboutissant à un modèle énergétique accepté par chacun, avec l'obligation de  résultats.

APS

Energie