Japon : des « usines à légumes » pour remplacer la campagne

Des salades cultivées par des automates sous des lumières artificielles : aux abords de villes Japonaises sortent de terre des « usines à légumes » automatiques pour combler les manques d'une campagne dépeuplée, à la merci de catastrophes naturelles à répétition.

Dans un banal bâtiment au milieu d'une zone industrielle, entre Kyoto et Osaka, rien de l'extérieur ne laisse imaginer que grandissent dans ces locaux de la société Spread quelque 11 millions de pieds de laitues par an sont 30.000 sont expédiés par jour.

Tout se joue derrière une vitre, dans une salle aseptisée, pleine de très grandes, longues et larges étagères. Des automates y transbahutent des salades d'un espace à l'autre, à longueur de journée. Au fur et à mesure qu'elles grossissent, elles rejoignent des emplacements dont les conditions de luminosité, de température, d'hygrométrie, sont adaptées au stade de leur  croissance, sans usage de pesticide ni de terre, mais avec de l'eau enrichie de nutriments. 

Le Japon est depuis des décennies un pionnier du laborieux développement des « usines à légumes ». Des géants comme Panasonic, Toshiba, TDK ou Fujitsu s'y sont risqués, avec plus ou moins de bonheur, en convertissant des lignes de production de semi-conducteurs en « fermes verticales » et en concevant des éclairages, capteurs et autres  technologies.

Spread, dont la maison-mère est à l'origine une firme de logistique de primeurs, est une des rares à avoir su rentabiliser l'affaire.

« Au début, les salades avaient du mal à se vendre, mais cela a été relativement aisé de se créer une bonne image de marque pour attirer le client, car nous pouvons produire une même qualité au même prix tout au long de l'année », explique Shinji Inada, le patron de cet entreprise.

Le secret ? « Nous avons peu de perte » et les produits que l'on trouve facilement dans des supermarchés de Kyoto mais aussi de Tokyo, se conservent longtemps.

Dans une autre usine de Spread à Kyoto, d'où sortent 21.000 pieds par jour, ce sont quelque 50 salariés qui déplacent les plants, « une tâche dure », reconnaît une employée.

M. Inada dit s'être interrogé sur la pertinence écologique de tels systèmes avant de lancer l'activité, mais d'autres raisons l'ont aussi motivé. « Avec la pénurie de main-d'oeuvre, dit-il, la faible rentabilité du secteur agricole et la baisse de la production, je sentais la nécessité d'un nouveau système de production ».

« C'est vrai que nous utilisons plus d'énergie comparé à une culture au soleil, mais nous avons en revanche une productivité plus importante à superficie égale », explique-t-il encore.

Les saisons ne comptent pas : en ferme verticale, on produit huit fois par an la même espèce de salade. Quant à la quantité d'eau, à 98% réutilisée en circuit fermé, elle est minime par rapport au volume utilisé en culture traditionnelle. 

« Avec toutes ces astuces, j'estime que nous contribuons à une agriculture durable pour notre société », tranche ce chef d’entreprise.

Spread commence à reproduire le même schéma ailleurs au Japon, pour rapprocher davantage le lieu de production du lieu de consommation: une usine est en construction à Narita, près de Tokyo, dans la préfecture de Chiba, sinistrée cette année par deux puissants typhons. D'autres sont en projet.

On peut facilement exporter notre système de production dans un pays très chaud ou, inversement, au climat froid, pour y cultiver des salades », indique ce dernier.

Avec la construction d'une usine à laitues de la même dimension (32.000 pieds par jour), dans la préfecture de Fukushima, Mitsubishi Gas Chemical espère rejoindre bientôt Spread dans ce secteur dit de la « smart-agri » où sont aussi utilisés des dispositifs de surveillances distants et des drones.

Pour le moment, le Japon compte environ 200 usines à laitues closes en lumière artificielle, la majeure partie de petite taille. Selon la société d'étude spécialisée Innoplex, il y en aura 400 en 2025.

Les salades sont ce qu'il y a de plus facile à produire dans ces conditions artificielles. Mais, fraises, tomates et autres produits pourront aussi être cultivés de la sorte, avec des systèmes contrôlés par ordinateur.

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