Mourad Preur, expert en questions énergétiques : « si le Maroc menace de chantage, l’Algérie passera au plan B»

Le contrat gazier Europe-Maghreb (GME) régissant l'approvisionnement en gaz algérien via le Maroc arrive à son terme le 31 octobre prochain. Le gazoduc nourrissant l’Europe en gaz algérien via l’Espagne transite par le royaume chérifien.

Après les derniers événements impactant les relations entre les deux pays, y a-t-il risque de rupture d’approvisionnement de gaz sachant que les relations entre l’Algérie et le Maroc, qui profite aisément de la manne gazière, sont à la discorde ? M. Mourad Preur, expert en questions énergétiques, tente d’apporter des éclairages sur une relation strictement commerciale, rattrapée par la politique, estimant qu’elle va être normalement gérée selon des termes commerciaux.

L’invité de la rédaction de la chaine 3 de la Radio Algérienne, considère de prime abord qu’avec les capacités de production et de transport qu’elle détienne, l’Algérie n’a pas de contrainte dans l’exportation de son gaz, soit liquide soit par gazoduc.

« Nous n’avons pas de stress dans l’exportation de gaz mais, ce sont bien les Européens qui en ont avec le pays de transit », assure-t-il citant l’exemple de la Russie dont le gaz acheminé vers l’Europe de l’ouest était empêché par la crise ukrainienne, le pays à travers lequel transite le gaz russe.

« Le chantage de l’Ukraine a mis le gaz de la Russie face au mur et a poussé la dernière à construire un autre gazoduc pour acheminer cette denrée précieuse jusqu’en Bulgarie », a-t-il rappelé.

Pour ce qui est du chantage de notre voisin, le Maroc en l’occurrence, force est de croire, dit l’invité, que le pays de transit détient naturellement une force géostratégique (de 117 kilomètres) qu’il va inéluctablement brandir et exercer avec une pression sur l’Algérie.

Face à un éventuel scénario marocain, M. Preur estime qu’« au pire des cas, nous devons aller vers un plan B similaire à celui ayant opposé en conflit la Russie en conflit avec l’Ukraine ».

« Même si nous avons une très grande flexibilité à exporter notre gaz hors méditerranée, il faut tirer les leçons du conflit Russo-ukrainien. », martèlera l’analyste . C’est dire que si la crise entre le Maroc et l’Algérie persiste, chose que Naturgy (le Sonatrach espagnol, ndlr) qui détient 49% de ce transit ne va pas admettre et taire.

Le partenariat Sonatrach-Naturgy, en matière de transport gazier via gazoduc, a permis, rappelle-t-on, de porter les capacités de production de 8 à 10 milliards m3.

« L’Etat marocain a sous estimé la force de manœuvre de l’Algérie, sachant la source algérienne qui reste, aux yeux de ses clients une source fiable », explique l’orateur considérant une telle posture de fi marocain n’est qu’ « une attitude perverse » allant même jusqu’à oublier que « dans les années du terrorisme (les années 1990) quand les conduites étaient des tuyaux en proie aux actes terroristes) il n’y a jamais eu de rupture d’approvisionnement en pétrole ni de gaz. »

« Sonatrach veut, certes, sécuriser ses débouchés dont l’Espagne, et partant tous les clients européens du gaz algérien, n’admettent pas une rupture dépassant les 20 jours », fait savoir Mourad Preur.

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