Pétrole: le brut algérien se maintiendra dans les limites de 60 USD en 2021

L'expert en questions énergétiques, Bouziane Mahmah a qualifié jeudi la reprise actuelle des cours de pétrole de "fragile", en raison de l'émergence de facteurs, parfois imprévisibles, contrôlant le marché, prévoyant une fourchette des cours du Sahara Blend, le brut de référence algérien, comprise entre 55 et 60 USD en 2021.

Dans un entretien à l'APS, Mahmah a expliqué que ce prix "assurera à l'Algérie des recettes supplémentaires dépassant six (6) Mds USD, comparativement aux recettes de 2020", ajoutant que la reprise actuelle des cours de l'or noir est "la plus fragile dans l'histoire".

"Plusieurs scénarios et prévisions autour des cours du pétrole à court et moyen termes font l'objet de révisions, de manière périodique et rapide", a-t-il dit.

"L'apparition d'un virus ou de rafales de vent soufflant sur l'océan peuvent venir à bout de cette reprise...C'est pourquoi, 2021 sera l'une des années les plus importantes dans le secteur de l'énergie mondiale dans l'histoire contemporaine.

Mieux vaut alors prévoir le devenir des prix vers la fin de l'année, avant de se lancer dans des projections à court et à moyen termes".

Selon lui, la reprise récente du marché marquée par des prix de Brent frôlant 65 USD, jeudi, s'explique notamment par "les grands sacrifices historiques" consentis par l'OPEP et ses alliés (OPEP +), depuis leur accord conclu, en avril dernier.

Bouziane Mahmah a salué, dans ce cadre, le rôle accompli par l'Algérie, en tant que Présidente de l'OPEP, dans la concrétisation d'un consensus entre les membres de l'OPEP + autour d'une plus grande réduction du niveau de production dans l'histoire de l'industrie pétrolière mondiale.

"C'est là un exploit historique est indélébile pour l'Algérie dont les démarches ont réussi à unifier les rangs divergents, en vue d'adopter d'une baisse record et sans précédent, soit l'équivalent de près de 10% de l'offre mondiale, à l'effet de soutenir les cours de brut en chute du fait de la pandémie du Coronavirus".

Les prix du pétrole sont passés par quatre phases depuis l'accord d'avril= Depuis avril 2020, les prix du pétrole sont passés par quatre phases distinctes, a dit l'expert, précisant qu'ils sont d'abord passés de 19,33 dollars le baril, le 21 avril 2020, à 43,10 dollars le baril, le 22 juin 2020.

Lors de la deuxième phase, du 23 juin au 1er septembre 2020, les prix sont passés de 42,73 dollars le baril à 45,58 dollars le baril, avant qu'ils ne reculent, lors de la troisième phase (du 2 septembre au 1er novembre 2020) de 44,43 dollars le baril à 37,94 dollars le baril.

La quatrième phase, du 2 novembre à ce jour, est marquée par une tendance haussière, les cours du pétrole étant passés de 38,97 dollars à environ 65 dollars le baril, a expliqué l'expert qui prévoit la persistance de cette tendance à la hausse pour atteindre un baril à 80 dollars en avril prochain. Des prévisions qui n'iront pas, selon lui, au-delà du premier trimestre de 2021.

"Je ne pense pas que cette tendance se maintienne. Les prix vont probablement reculer", a-t-il estimé, soulignant que "les fortes hausses ne sont pas souhaitées car elles ne sont pas bonnes pour l'industrie pétrolière et l'économie mondiale".

En ce qui concerne l'évolution du marché mondial du pétrole, l'expert a fait état de six facteurs qui influenceront et détermineront la situation de ce marché dans les mois à venir.

Les deux premiers facteurs concernent l'évolution de la situation sanitaire mondiale et le rythme de la reprise économique mondiale, notamment pour les grand consommateurs de pétrole.

Le troisième facteur a trait aux plans d'action en matière de climat, dans le cadre de la conférence de novembre prochain qui examinera les plans d'engagement pour les cinq prochaines années et ainsi que ceux liés à la transition énergétique.

S'agissant du quatrième facteur qui peut contribuer à la hausse des cours du pétrole, il concerne la baisse des investissements dans l'amont pétrolier qui ont enregistré le niveau le plus bas depuis une décennie, d'autant que cette baisse a atteint 60% en 2014 et 30% en 2019, avant de suspendre en 2020 tous les plans d'investissement dans l'industrie pétrolière mondiale.

Le même expert a précisé dans ce sillage qu'il "y a de sérieux avertissements prévoyant un écart d'approvisionnement en pétrole équivalant au niveau de la réduction initiale de "l'OPEP+" à l'horizon 2025, en cas de manque persistant d'investissements dans l'industrie pétrolière, notamment avec le recul des niveaux de production dans les champs pétrolifères sur l'échelle mondiale".

Enfin, l'expert a évoqué l'importance de "l'écart" à combler entre l'offre et la demande sur le marché mondial du pétrole, les fluctuations de sa taille dans les prochains jours, ainsi que la santé financière et opérationnelle des compagnies pétrolières qui sont également des facteurs déterminant les développements futurs du marché pétrolier.

La demande mondiale devrait rebondir en 2021

La demande mondiale de pétrole devrait rebondir de 5 à 6 millions de barils par jour (mbj) cette année selon le dernier rapport du le Forum international de l'énergie (IEF).

"La pandémie Covid-19 a entraîné une contraction de la demande de pétrole de 9 à 10 millions de barils par jour en 2020, mais elle devrait rebondir de 5 à 6 millions de barils par jour cette année", selon les conclusions du rapport de l’IEF examinées lors du 11e Symposium regroupant l'Agence internationale de l'énergie (AIE), l’IEF et l’Opep sur les perspectives énergétiques, tenu mercredi.

Le rapport souligne aussi que la demande de pétrole devrait être stable à long terme dans le monde, même si la demande passera probablement des pays développés aux pays en développement.

Produit par l'IEF et Resources For the Future (RFF), ce rapport met en évidence une réinitialisation des perspectives énergétiques après le plus grand choc de demande de l'histoire de l'année dernière, note le communiqué conjoint, publié par l’Opep, à l’issu du symposium.

Cité dans le communiqué, le Sg de l'IEF, Joseph McMonigle a déclaré que "l'impact de la pandémie sur la demande d'énergie est sans précédent dans l'histoire des marchés de l'énergie".

La pandémie a également conduit à une révision à la baisse de la croissance économique annuelle à long terme de 0,8 point de pourcentage dans certaines perspectives, note le rapport.

Pour sa part, le Sg de l'OPEP, Mohammad Sanusi Barkindo a mis en avant les contributions "vitales" de l'Opep et des pays non membres de l'Organisation participant à la Déclaration de coopération pour aider à stabiliser le marché pétrolier au cours de l'année écoulée, et l'importance d'un dialogue étroit avec le G20, l'AIE et l'IEF pour soutenir les efforts de rééquilibrage du marché.

Il a également souligné la nécessité d'investir continuellement dans l'industrie pétrolière pour garantir la stabilité de l'approvisionnement et aider à maintenir une approche inclusive face au changement climatique, à la transition énergétique et aux défis d'accès à l'énergie.

"Ces investissements sont essentiels tant pour les producteurs que pour les consommateurs", a-t-il déclaré Barkindo a aussi souligné que dans un monde en évolution rapide et imprévisible, l’Opep+ cherche à contribuer à une plus grande stabilité, à plus de prévisibilité et à une transparence accrue.

"Nous cherchons constamment à améliorer notre capacité à le faire, car nous pensons que cela nous aidera à construire un avenir meilleur, qui sert les intérêts de générations de producteurs et de consommateurs", a -t- il dit.

Le Directeur exécutif de l'AIE, Fatih Birol a, pour sa part, déclaré que "le dialogue et la coopération seront de plus en plus vitaux pour orienter le système énergétique mondial vers un avenir adapté aux générations de demain, où l'énergie est abondante, abordable, propre et utilisée pour soutenir la croissance et le développement".

Les hydrocarbures resteront la source dominante du mix énergétique mondial

Le Sg du GECF, Yury Sentyurin, a, quant à lui, déclaré que, malgré la pandémie, les membres du GECF avaient fait preuve d'une discipline et d'une résilience exceptionnelles dans le respect ininterrompu de leurs obligations envers toutes les parties contractantes.

"Il est trop tôt pour amortir les hydrocarbures car ils resteront la source dominante du mix énergétique mondial dans un avenir prévisible", a-t-il soutenu.

Les autres conclusions clés du rapport de comparaison des perspectives IEF-RFF comprennent les combustibles fossiles qui devraient dominer le mix énergétique primaire jusqu'en 2040.

L'écart entre les scénarios de trajectoire actuels et les scénarios alternatifs est important et augmente chaque année, ce qui indique que le scénario zéro émission de carbone pourrait ne pas être atteint.

Il note , d’autre part, que des perspectives divergentes sur l'importance attendue des hydrocarbures suggèrent que les nouvelles technologies telles que la capture, l'utilisation et le stockage du carbone (CCUS) pourraient avoir un rôle plus important à jouer.

Le nucléaire, l'hydroélectricité, l'éolien et le solaire représenteront la majorité de la croissance du secteur de l'électricité, tandis que le charbon devrait diminuer et que le gaz naturel est confronté à un avenir incertain en tant que combustible de transition, selon le rapport.

Le document note, par ailleurs, que les ambitions climatiques croissantes à l'approche de la COP26 auront des implications importantes pour le secteur de l'énergie, qui représente les trois quarts des émissions mondiales.

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